cinq livres

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vendredi 20 février 2015

fable pour adultes # 3 - Les mots d'un père (page 6)


-Message pour le coeur des hommes...

Toutes les missions sont importantes. Et tout homme, au cours de sa vie, se verra inspiré pour plusieurs, mais l'une d'elle devrait être commune à chacun d'entre nous: Celle de contribuer au mieux-être de chaque personne que nous rencontrons. Et cette mission-là est d'autant plus importante de par cette vérité: Le mieux-être de chacun de nous nous conduit vers le mieux-être du monde dans lequel nous vivons, vers le mieux-être du monde dans lequel nos enfants vivront. C'est pourquoi je mets tant d'énergie en cette mission que je fais mienne et voilà ce à quoi je me dévoue:

Je m'applique à être pour les autres une oreille disponible et attentive et je m'aperçois que celui qui peut se libérer de sa peine ou de ses soucis repart plus confiant en ce qu'il peut faire pour améliorer sa situation.

Et le plus incroyable dans tout cela est que j'apprends aussi, peu à peu, à développer cette qualité d'écoute à mon égard, à mieux me connecter à mon ressenti, à la voix en moi qui ne demande qu'à me guider.

Je m'exerce à être plus patient envers celui se trouve devant moi et je m'aperçois que celui dont on respecte le rythme et les choix de vie du moment peut réussir bien plus et bien mieux qu'on ne peut le croire de prime abord.

Et le plus incroyable dans tout cela est que j'apprends aussi, peu à peu, à développer cette même patience envers moi-même, à me montrer plus apte à me pardonner mes fautes, à reconnaître mes écarts, plus prêt à recommencer et à faire mieux.

Je choisis de semer des sourires et de petits plaisirs et je m'aperçois qu'il faut parfois si peu pour ensoleiller la vie de quelqu'un, pour justement voir naître d'autres sourires.

Et le plus incroyable dans tout cela est que je réalise aussi, peu à peu, que de contribuer au bonheur des autres rend mon coeur plus léger et que la joie se fait plus présente dans ma propre vie.

Je choisis de partager ce que j'exécute avec facilité et brio, mes talents innés, avec ceux qui m'entourent et je m'aperçois que ce qui semble bien petit pour moi peut faire une réelle différence dans la vie de celui  qui reçoit.

Et le plus incroyable dans tout cela est que je réalise aussi, peu à peu, qu'en mettant à la lumière mes capacités, j'apprends à développer encore plus mes dons et à me découvrir d'autres talents, d'autres aptitudes pour lesquelles j'excelle.

Je m'applique à rechercher le beau et le bon en ceux que je croise et je m'aperçois que celui qu'on félicite et qu'on encourage prend des forces et de l'assurance pour ensuite poursuivre sur la voie qu'il s'est tracé.

Et le plus incroyable dans tout cela est que j'apprends aussi, peu à peu, à relever ce beau et ce bon en moi-même, choisissant de mettre l'accent sur ma valeur ou mes réussites, en optant pour des pensées et des mots qui me décrivent tel que je suis vraiment.

Je m'applique à aller plus loin que le premier regard, à devenir clairvoyant et à ressentir les non-dits et je m'aperçois que souvent l'homme qui se dissimule ou qui emprunte un rôle, en est un qui souffre, qui a besoin d'aide et qui ne sait peut-être pas comment s'y prendre pour réclamer ce dont il a besoin.

Et le plus incroyable dans tout cela est que j'apprends aussi, peu à peu, à enlever, une à une les couches sous lesquelles je me cache moi-même, sachant que mes blessures non-guérie me font parfois agir maladroitement, que mes erreurs passées non-pardonnées me font parfois agir avec dureté.

Je m'applique à choisir des mots généreux et rassurants lorsque je m'entretiens avec les gens, mettant mon coeur à l'oeuvre dans tout ce qu'il peut offrir et je m'aperçois que celui qui se sait accepté pour ce qu'il est, pour ce qui le différencie, ne désire plus ensuite que de laisser émerger que le meilleur de lui-même.

Et le plus incroyable dans tout cela est que j'apprends aussi, peu à peu, à diriger ce même amour vers moi-même, m'amenant à me reconnaître dans toute ma grandeur, à m'accepter totalement pour ce que je suis et à m'aimer inconditionnellement.

L'homme, qu'importe le nom qu'il porte, qu'importe ses actions passées, qu'importe les chemins qu'il décide de prendre, qu'importe ses essais maladroit pour toucher au bonheur... a le droit à ce que je lui offre mon soutien... le meilleur pour lui-même, pour l'amener à devenir la personne exceptionnelle qu'il est au fond de lui.

Je le fais ce serment, si important, de devenir, un peu plus chaque jour, quelqu'un de bienveillant pour celui qui se tient devant moi.

L'homme, celui que je suis, qu'importe mes actions passées, qu'importe les chemins que j'ai décidé de prendre, qu'importe mes essais maladroit pour toucher au bonheur... a le droit à ce que je m'offre le meilleur qui soit... le meilleur pour moi-même, pour m'amener à devenir la personne exceptionnelle que je suis au fond de moi.

Je le fais ce serment, si important, de devenir, un peu plus chaque jour, quelqu'un de bienveillant envers moi-même.

Car voilà une autre chose très importante que j'ai comprise: Que ce que je désire donner... c'est à moi-même que je dois le donner en tout premier. QUe de choisir d'aller vers les autres est aussi choisir d'aller vers soi. Et si je puis tendre la main vers cet être extraordinaire que je suis... je le pourrai ensuite envers tout être humain que je rencontrerai.

Je sais que la route est longue pour que cela puisse devenir une manière toute naturelle d'agir. Mais j'y travaillerai. Pour mon propre mieux être, pour celui des autres et de ceux à venir.

Le fils se tut et un silence rempli d'émotions régna dans le lieu sacré. Maintenant le fils savait. Maintenant tous les gens ici rassemblés savaient. Était-il utopique de penser que cela allait faire une différence? Du fond de son coeur, le fils souhaita que ce fol espoir ne soit pas vain.

Lentement, celui qui venait de déclamer les précieux mots de son père releva la tête. Puis quelqu'un se leva et se mit à applaudir. Puis celui-ci fut imiter par tous les autres. Un à un les gens se sont levés et ont applaudi. Ils n'acclamaient pas le fils qui venait de parler mais bien les mots d'un père, qui de par sa mort, venait de révéler un secret qui avait la valeur de l'or.

***

jeudi 19 février 2015

fable pour adulte # 3 - Les mots d'un père (page 5)


Les deux jours qui suivirent, le fils réfléchit beaucoup. Il relut à de nombreuses reprises les mots de son père, fouinant parfois dans le carnet ou dans le texte qui se trouvait dans l'enveloppe et méthodiquement il plaça les mots découverts sur le pourtour de son propre miroir de salle de bain.

Et là, le jour qui se levait en était un important: Le jour où on allait mettre en terre son père. Celui qui serait l'occasion de faire les derniers adieux. Celui où il devrait aussi prendre la parole devant tous ces gens venus rendre visite une dernière fois à son père.

D'un geste plein de conviction, le fils chiffonna ce qu'il avait écrit quelques jours plus tôt, lançant adroitement à la poubelle l'allocution qu'il avait prévu de faire lors de la cérémonie. Tant de choses avaient changées en lui depuis qu'il était allé récupérer les effets de son père. Ses pensées s'étaient beaucoup bousculées depuis sa conversation avec la directrice de la résidence. Ses réflexions avaient changées de voie, suivant naturellement, celle que son père avait lui aussi décidé d'emprunter. Et ce jour-là, à peine quelques heures avant la cérémonie en hommage à son père, le fils était maintenant prêt à mettre tout cela sur papier. Ce qu'il fit avec beaucoup de soin, déversant avec facilité ce qui l'habitait depuis ces deux derniers jours.

***

À l'intérieur de l'église il y avait foule. De par sa profession, son père en était venu à rencontrer beaucoup de gens. Bien sûr, le fils fut surpris devant une telle affluence et sa bouche devint tout sèche en pensant qu'il devrait sous peu, prendre la parole devant toute cette foule. Il porta la main à sa poche, s'assurant que les feuilles qu'il y avait mises étaient toujours là. Un peu soulagé par ce geste, il reporta son attention sur la cérémonie qui commençait.

Puis le prêtre l'invita à venir prendre place au micro afin de s'adresser à tous ces gens venus saluer son père. Pourtant le fils ne bougea point. L'homme d'église fit un geste impatient de la main, un peu inquiet. Le fils se leva alors, entendit ses pas résonner sur le parquet de bois. Il gravit les marches, fit les quelques pas nécessaires pour se rendre au lutrin. Il y déposa ses feuilles tout en prenant bien son temps. Il leva les yeux vers ces gens, sachant très certainement que ce qu'il allait dire allait les surprendre.

-Mon père est mort.

Les mots du fils résonnèrent dans l'église. Le son de sa propre voix le surpris. Mais il savait aussi qu'il devait continuer.

-Je suis maintenant orphelin. Je n'ai pas de frère. Pas de soeur. Mes premières pensées furent de me dire que je me retrouvais maintenant seul de mon clan.

Le fils fit une pause, laissant se dissiper légèrement la peine qui venait.

-Hors j'avais tort. En allant récupérer les effets de mon père, j'ai trouvé des choses qui m'ont révélé que cet homme n'était pas simplement ce que j'avais bien voulu voir en lui. Il était bien plus. Comme moi-même je suis probablement bien plus que ce que vous pouvez percevoir. Comme vous devez fort probablement vous aussi être bien plus que ce que je peux percevoir.

Le fils prit une grande respiration, choisit de garder le regard baissé et continua:

-Grâce à ce que j'ai découvert dans les effets de mon père j'ai compris que je ne serais jamais seul car il m'avait laissé, en héritage, des choses qui feraient qu'il me tiendrait compagnie pour le reste de ma vie. En autre, parmi les trésors découverts dans sa chambre, il y a un texte que j'aimerais bien vous lire.

Le fils fit glisser la première feuille pour ensuite poursuivre.

***


mercredi 18 février 2015

fable pour adulte # 3 - Les mots d'un père (page 4)


Le fils reprit sa tâche tout en reniflant sans gêne. Quelques boîtes s'ajoutèrent aux premières. Il vida la garde-robe, dernier espace à délivrer de ses effets, un peu à la va-vite, entassant dans ses cartons les vêtements de son père, encore empreint de son odeur.

Comme tout était maintenant fait, il recula de quelques pas et il tourna sur lui-même pour s'assurer qu'il n'avait rien oublier. Le fils cru alors voir quelque chose sur la plus haute tablette de la garde-robe. Il s'approcha, se hissa sur la pointe des pieds et il réussit, centimètre par centimètre, à faire glisser vers le bord une petite boîte.

Le fils reprit place au pied du lit, déposant la petite boîte sur ses genoux, se demandant ce qu'il allait y découvrir. Il posa ses mains sur le couvercle, laissa glisser sur les rebords et souleva le couvercle. À l'intérieur de la boîte se trouvait des enveloppes. Sur chacune était écrit un nom. Le fils les fit défiler une à une jusqu'à découvrir, tout au fond de la boîte, celle qui lui était adressée. En tremblant légèrement, il l'ouvrit, en déplia le feuillet qui contenait un message tout particulier.

Dès les premiers mots, ses mains se mirent à trembler et le fils dû prendre à deux mains les feuilles pour pouvoir lire. Il continua cependant, phrase après phrase, se sentant vraiment très ému. Les mots de son père le bouleversait. Il y découvrait quelque chose qu'il n'avait jamais soupçonné et qui allait bien au-delà de ce qu'il avait découvert un peu plus tôt.

Il tourna lentement les pages, lisant avec attention, sachant aussi qu'il retournerait à de nombreuses fois vers ces mots-là, qu'il les ferait sien pour le reste de sa vie. La mission que son père s'était donné deviendrait la sienne, une voix en lui confirmait que son chemin se trouvait là. Après avoir lu les derniers mots, il redressa la tête.

***

À ce moment-là, on cogna à la porte. Le fils se tourna pour découvrir la directrice de la résidence qui lui souriait timidement.

-Ça va? lui demanda-t-elle en faisant quelques pas dans la pièce.

Le fils l'invita à s'asseoir d'un geste de la main et la dame prit place à son côté. Prenant une grande respiration, le fils décida de s'ouvrir à elle.

-Je viens de découvrir que mon père n'était peut-être pas l'homme que je croyais qu'il était.

La dame hocha de la tête, prenant un moment avant de répondre au fils, voulant certainement trouver les mots justes.

-Sûrement en est-il ainsi pour la plupart des gens que nous côtoyons. Ce que nous voyons de la personne qui se trouve devant nous n'est qu'une infime partie de qui elle est. En fait, ce que l'on perçoit n'est que ce qu'elle veut bien dévoiler, ou que ce qu'elle arrive, parfois maladroitement, à mettre en avant-plan.

Le fils trouva que cela avait bien du sens car lui-même se livrait peu, même aux gens de son entourage. Délibérément, il ne savait pas trop pourquoi, il gardait pour lui la plupart de ses réelles pensées ou sentiments mais aussi la très grande majorité de ses convictions ou de ses rêves.

-Ce que nous sommes de l'intérieur est rarement ce que les gens arrivent à percevoir de l'extérieur, ajouta la sage directrice.

Le sourire du fils, adressé à la directrice, encouragea certainement celle-ci à continuer.

-Nous avons, pour la plupart d'entre nous, un certaine pudeur à lever le voile sur ce qui se passe réellement en soi. Et malheureusement, il s'agit aussi parfois d'une mauvaise interprétation de celui qui regarde. Se comprendre mutuellement est une tâche délicate et complexe.

Après un bref regard au feuillet qu'il venait de lire, le fils ajouta:

-Si j'avais su...

-C'est que nous devons apprendre à voir avec le coeur, à savoir écouter les silences, à bien interpréter les mots, à bien saisir les gestes, et cela, avec le plus d'amour possible. Et je crois que ces dernières années, votre père avait compris cela et même qu'il s'est alors appliqué à y travailler avec énergie.

-Si j'avais su... répéta le fils, plongeant son regard dans les mots de son père.

-Maintenant vous savez, ajouta la dame.

Ces mots le troublèrent.

Le fils montra la boîte à la directrice. Les noms inscrits sur les enveloppes étaient ceux de différentes personnes habitant la résidence ou du personnel y travaillait. Elle promit de les remettre en main propre aux gens concernés.

-Et puis, dit-elle en agitant une enveloppe, il y en a une pour moi!

La directrice, après une brève accolade faite à l'endeuillé, s'en retourna à ses occupations tandis que le fils finit de bien fermer les boîtes qu'il transporta ensuite jusque dans sa voiture. Alors qu'il s'apprêtait à refermer pour une dernière fois la porte de la chambre où son père avait passé les dernières années de sa vie, il fut convaincu qu'il devait faire quelque chose de ce qu'il venait de découvrir. Les derniers mots de la directrice refirent surface dans son esprit: 'Maintenant vous savez.'

Et le fils se dit que quand on sait, on se doit ensuite d'agir.

***


mardi 17 février 2015

fable pour adulte # 3 - Les mots d'un père (page 3)


Il ne lui restait plus que le petit espace qu'occupait la chambre de son père à débarrasser de ses effets. Il avait cependant grand peine à bouger, comme si ce qu'il allait faire était en quelque sorte un sacrilège. Mais ce qui devait être fait devait être fait se rappela-t-il une seconde fois. Après un bref regard à sa montre, il alla de l'avant, sachant qu'il devait ensuite se rendre au complexe funéraire, pour y régler certains détails.

Le fils s'assit sur le lit de son père puis il ouvrit le premier tiroir de la table de chevet. Il y avait là peu de choses. Le vieux porte-feuille de cuir qu'il avait lui-même offert à son père de nombreuses années auparavant se retrouva entre ses mains. Les bords en étaient usés et le fils y glissa les doigts, hésitant à aller plus loin. Pourtant la curiosité était grande et il l'ouvrit.

Il ne fut pas surprit d'y découvrir bien peu de choses: Une carte de crédit et quelques billets de vingts dollars. Il prit cependant le temps de fouiller chaque petite pochette avec minutie. D'un petit espace, il retira une feuille qui avait été minutieusement pliée. À l'intérieur de celle-ci, il trouva une petite photo de lui, le fils, prise il y avait environ deux ans de cela. Cela fit sourire le fils. Vraiment, ce qu'il découvrait sur son père ce jour-là l'amenait de surprise en surprise. Quelque chose était inscrit sur la feuille et le fils déplaça la photo afin de lire plus facilement. La première phrase le fit cependant sursauter.

J'admire mon fils parce que...

Et ce qu'il y lu par la suite fit glisser des larmes sur ses joues. Des phrases y étaient inscrites. Chacune était précédée par une date. Il s'agissait là de moments de vie particuliers que le père avait relevé et noté. En voici d'ailleurs quelques-uns:

mai 1998: Mon fils a reçu son diplôme aujourd'hui. Je sais qu'il a travaillé fort pour l'obtenir. Il ne s'est pas arrêté aux obstacles qui se sont dressés sur sa route: Plusieurs auraient abandonné. Lui a persévéré. Je suis vraiment très fier de lui. Mon fils est un gagnant.

juin 2005-Cela fait presque trois ans qu'Eugénie, ma douce compagne, m'a quitté. Mon fils a apporté des fleurs aujourd'hui. Bien que ni l'un ni l'autre nous n'ayons rien dit, il sait que sa présence nous manque à lui comme à moi. Cette petite attention m'a rappelé que je n'étais pas seul à avoir de la peine. Mon fils est quelqu'un de sensible et c'est une très belle qualité.

Le fils s'essuya les yeux du revers de la main puis il descendit plus loin sur la page, choisissant au hasard un autre moment noté par son père:

octobre 2013-Mon fils m'a aidé à m'installer à la Résidence aujourd'hui. Il a eu beaucoup de patience à mon égard, car le vieil homme que je suis, un peu confus devant tous ces changements, avait besoin de cette attention et de ce calme. Mon fils a été capable de respecter le rythme qui était le mien.

Le fils ne pu en lire plus tellement il n'y voyait plus rien à cause des larmes qui maintenant coulaient à flot et des sanglots qui le secouaient. Sa peine, celle qu'il avait bien essayé de tasser dans un coin depuis l'annonce de la mort de son père, se déversa tout d'un coup et rien ne pouvait maintenant la retenir.

Le fils, vu les silences et les non-démonstrations affectives de son père avait peine à croire à tout ce qui se révélait à lui. Chaque découverte le bouleversait un peu plus, lui faisait découvrir des facettes de son père qu'il ignorait complètement. À de nombreuses reprises dans sa vie, le fils s'était senti incompétant ou maladroit face à ce père plutôt ferme et peu expansif. Hors, ce carnet, ces mots et cette feuille enveloppant sa photo lui prouvait que son père avait su lire en lui avec précision et délicatesse... et probablement aussi envers beaucoup d'autres gens.

***


lundi 16 février 2015

fable pour adultes # 3 - Les mots d'un père (page 2)


Le lendemain matin, jour où il devait se rendre à la résidence, le fils tenta de se défiler tant bien que mal devant la tâche qui l'attendait, mais sa conjointe l'y poussa sans trop le ménager. Il savait que celle-ci avait raison et c'est pourquoi il n'osa point argumenter. Alors, tout en marchant d'un pas lent, il rempli le coffre arrière de sa voiture de cartons vides et de grands sacs puis il prit la route.

Tout semblait calme à la résidence. Sans faire de bruit, ne voulant pas attirer l'attention, le fils se dirigea vers la chambre de son père. Comme il possédait un double de la clé il put y entrer dans avoir à demander de l'aide. Il entra donc, referma la porte derrière lui et s'y adossa, essayant de calmer les battements fous de son coeur.

La pièce semblait encore habitée car rien n'y avait été touché depuis le décès de son père, ce qui perturba légèrement le fils éploré. Ne pouvant se résoudre à aller plus loin, il ouvrit la porte de la penderie qui se trouvait sur sa gauche et il entreprit de mettre en boîte ce qui s'y trouvait. Consciencieusement, avec une lenteur délibérée, il délivra chaque manteau de son cintre, en fouilla chacune des poches, n'y trouvant que de vieux reçus de caisse et quelques pièces de monnaie. Sauf pour le dernier. De la poche intérieure, le fils en retira un petit carnet et un crayon. Surpris par cette découverte, le fils en tourna les pages pour y trouver l'écriture peu soignée qu'il reconnu aisément: Celle de son père.

Page après page, il y découvrit de petites phrases courtes qui semblaient être des commentaires ou des réflexions que le vieil homme y avait noté. Le fils s'y attarda un peu plus, en lisant quelques-unes à haute voix:

'J'apprends beaucoup à regarder et à écouter. Cela m'amène à mieux comprendre le cheminement des autres et à être un meilleur soutien pour eux.'

'La vie semble différente pour chacun de nous. Hors je constate que le réel but de l'existence en est pourtant le même: être heureux.'

Le fils était bien surpris, ne connaissant pas ce côté philosophe à son père.

Ayant l'esprit trop embué pour vraiment y réfléchir plus longuement, le fils mit tout cela dans la poche intérieure de son propre manteau qu'il avait suspendu à la poignée de la porte d'entrée. Il plia le manteau de son père, le rangea dans la boîte et il referma fermement celle-ci.

***

Le fils fit alors quelques pas dans la pièce sans savoir vers quoi se diriger. Mais il n'hésita pas longtemps car ce qui doit être fait doit être fait et comme il ne voulait pas trop s'attarder, il se dirigea d'un bon pas, muni d'une boîte sous le bras vers la salle de bain. Tout de suite en entrant, il remarqua que sur le pourtour du miroir qui se trouvait au dessus de l'évier, il y avait de petits papiers soigneusement placés. Le fils s'avança et voilà ce qu'il pu y lire: COMPASSION, PARTAGE, AMOUR, ÉCOUTE, PATIENCE, ACCUEIL, OUVERTURE, SOUTIEN.

Le fils poussa un soupir tout en posant bien à plat ses mains sur le meuble. Pendant un bref moment, le fils imagina son père, faisant sa toilette matinale tout en se répétant ces mots. Un lien semblait se définir pour ces mots mais le fils n'en était pas certain. Quel était le but de son père en notant ses observations dans un carnet ou en se répétant des mots en se rasant?

Le fils haussa les épaules puis il vida les armoires de tout ce qu'elles contenaient. Au dernier moment, il décolla un à un les mots avec attention, se demandant s'il allait les recoller dans sa propre salle de bain. Il alla chercher le carnet découvert plus tôt, y déposa les mots, tout en relisant quelques phrases du carnet au passage. En voici quelques-unes qui retinrent alors son attention:

'Il n'est pas facile d'écouter les gens vous raconter leurs misères sans juger. Pourtant, si j'ouvre mon coeur et si je laisse place à la compassion et à l'amour, je suis touché... profondément ému par leurs histoires. Et déjà, avec simplement cela, je sais que je fais une différence dans leurs vies.'

'Si je réussis à faire sourire celui qui me raconte sa peine, j'aurai déjà accompli beaucoup.'

Encore une fois le rangea le carnet avec précaution, se disant qu'il détenait là, probablement un trésor.

***


dimanche 15 février 2015

fable pour adultes # 3 - Les mots d'un père (page 1)


Les mots d'un père

Quand Liliane, employée de la Résidence 'Le Paradis Sur Terre' frappa à la porte de Monsieur Beauchamp, il n'y eut aucune réponse. Cela était plutôt surprenant, puisque tous les matins, lors de son passage, la porte était toujours entrouverte et que le vieil homme, levant le nez du livre qu'il était en train de lire, la saluait d'un simple hochement de tête. Elle cogna donc une autre fois, un peu plus fort cette fois-ci mais sans plus de résultat.

Elle fit quelques pas vers la chambre suivante mais finalement, elle revint devant la porte close, sourcillant devant cette situation non-habituelle. En prenant une grande respiration, essayant de repousser ce qui lui venait à l'esprit, Liliane fit une nouvelle tentative avec plus d'ardeur cette fois-ci. Mais encore une fois, il n'y eut aucune réponse.

Elle colla son oreille à la porte, sans rien y entendre. Elle sonda la poignée qui résista. Peut-être dormait-il simplement un peu plus tard ce matin-là se dit-elle, envisageant le mieux, mais elle n'arrivait pas à se convaincre de ce fait. Comme son malaise persistait, elle dû donc se résoudre à faire appel à la directrice des lieux, qui vint, quelques instants plus tard, elle aussi surprise par ce fait non-habituel, ouvrir grâce à son passe-partout, la porte de ce pensionnaire sans histoire.

Bien sûr, ce que les deux dames avaient pressentie se révéla exact: Le vieil homme s'était éteint durant son sommeil. Il reposait paisiblement dans son lit, les draps bien ajustés tout contre lui, leur assurant que ce passage s'était fait tout en douceur. La mort était venu le chercher sans qu'il n'ait à en souffrir.

Comme cela est de mise, il s'est ensuite mis en route les procédures habituelles à ce genre de situation. À la résidence, la nouvelle se répandit rapidement. Monsieur Beauchamp était un homme plutôt tranquille et il aimait sa petite routine mais tout le monde, employés comme résidents, se sentirent attristés par ce départ. Le silence régna plus qu'à l'ordinaire ce jour-là à la résidence.

***

Et puis la directrice dû téléphoner au fils de Monsieur Beauchamp pour lui apprendre la malheureuse nouvelle. Après une courte prière à l'intention du disparu, elle composa le numéro, compta le nombre de sonneries puis arrêta de respira lorsqu'on répondit. Elle était habituée à ce genre d'appel mais à chaque fois elle en était bouleversée. Prenant une grande respiration, elle annonça avec douceur ce qui devait être annoncé.

-Je vais prendre les dispositions nécessaires... murmura la voix à l'autre bout de l'appareil.

La directrice sentait bien la peine de l'homme mais elle devait poursuivre:

-Il faudra aussi penser à ramasser ses effets... vous comprenez...

-Demain... demain j'irai, répondit le fils attristé.

Voilà que ce fils devenait, à quarante-deux ans, orphelin. Une page importante de sa vie se tournait avec ce triste événement. Sa relation avec son père n'en était pas une de grande expansion mais le vieil homme allait lui manquer. Justement, c'était de cette tranquillité et de ce calme que le fils venait s'imprégner lorsqu'il visitait son père. Mais ces rencontres n'auraient plus lieu.

***