Il
ne lui restait plus que le petit espace qu'occupait la chambre de son
père à débarrasser de ses effets. Il avait
cependant grand peine à bouger, comme si ce qu'il allait faire
était en quelque sorte un sacrilège. Mais ce qui devait
être fait devait être fait se rappela-t-il une seconde
fois. Après un bref regard à sa montre, il alla de
l'avant, sachant qu'il devait ensuite se rendre au complexe
funéraire, pour y régler certains détails.
Le
fils s'assit sur le lit de son père puis il ouvrit le premier
tiroir de la table de chevet. Il y avait là peu de choses. Le
vieux porte-feuille de cuir qu'il avait lui-même offert à
son père de nombreuses années auparavant se retrouva
entre ses mains. Les bords en étaient usés et le fils y
glissa les doigts, hésitant à aller plus loin. Pourtant
la curiosité était grande et il l'ouvrit.
Il
ne fut pas surprit d'y découvrir bien peu de choses: Une carte
de crédit et quelques billets de vingts dollars. Il prit
cependant le temps de fouiller chaque petite pochette avec minutie.
D'un petit espace, il retira une feuille qui avait été
minutieusement pliée. À l'intérieur de celle-ci,
il trouva une petite photo de lui, le fils, prise il y avait environ
deux ans de cela. Cela fit sourire le fils. Vraiment, ce qu'il
découvrait sur son père ce jour-là l'amenait de
surprise en surprise. Quelque chose était inscrit sur la
feuille et le fils déplaça la photo afin de lire plus
facilement. La première phrase le fit cependant sursauter.
J'admire
mon fils parce que...
Et
ce qu'il y lu par la suite fit glisser des larmes sur ses joues. Des
phrases y étaient inscrites. Chacune était précédée
par une date. Il s'agissait là de moments de vie particuliers
que le père avait relevé et noté. En voici
d'ailleurs quelques-uns:
mai
1998: Mon fils a reçu son diplôme aujourd'hui. Je sais
qu'il a travaillé fort pour l'obtenir. Il ne s'est pas arrêté
aux obstacles qui se sont dressés sur sa route: Plusieurs
auraient abandonné. Lui a persévéré. Je
suis vraiment très fier de lui. Mon fils est un gagnant.
juin
2005-Cela fait presque trois ans qu'Eugénie, ma douce
compagne, m'a quitté. Mon fils a apporté des fleurs
aujourd'hui. Bien que ni l'un ni l'autre nous n'ayons rien dit, il
sait que sa présence nous manque à lui comme à
moi. Cette petite attention m'a rappelé que je n'étais
pas seul à avoir de la peine. Mon fils est quelqu'un de
sensible et c'est une très belle qualité.
Le
fils s'essuya les yeux du revers de la main puis il descendit plus
loin sur la page, choisissant au hasard un autre moment noté
par son père:
octobre
2013-Mon fils m'a aidé à m'installer à la
Résidence aujourd'hui. Il a eu beaucoup de patience à
mon égard, car le vieil homme que je suis, un peu confus
devant tous ces changements, avait besoin de cette attention et de ce
calme. Mon fils a été capable de respecter le rythme
qui était le mien.
Le
fils ne pu en lire plus tellement il n'y voyait plus rien à
cause des larmes qui maintenant coulaient à flot et des
sanglots qui le secouaient. Sa peine, celle qu'il avait bien essayé
de tasser dans un coin depuis l'annonce de la mort de son père,
se déversa tout d'un coup et rien ne pouvait maintenant la
retenir.
Le
fils, vu les silences et les non-démonstrations affectives de
son père avait peine à croire à tout ce qui se
révélait à lui. Chaque découverte le
bouleversait un peu plus, lui faisait découvrir des facettes
de son père qu'il ignorait complètement. À de
nombreuses reprises dans sa vie, le fils s'était senti
incompétant ou maladroit face à ce père plutôt
ferme et peu expansif. Hors, ce carnet, ces mots et cette feuille
enveloppant sa photo lui prouvait que son père avait su lire
en lui avec précision et délicatesse... et probablement
aussi envers beaucoup d'autres gens.
***
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