cinq livres

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mardi 17 février 2015

fable pour adulte # 3 - Les mots d'un père (page 3)


Il ne lui restait plus que le petit espace qu'occupait la chambre de son père à débarrasser de ses effets. Il avait cependant grand peine à bouger, comme si ce qu'il allait faire était en quelque sorte un sacrilège. Mais ce qui devait être fait devait être fait se rappela-t-il une seconde fois. Après un bref regard à sa montre, il alla de l'avant, sachant qu'il devait ensuite se rendre au complexe funéraire, pour y régler certains détails.

Le fils s'assit sur le lit de son père puis il ouvrit le premier tiroir de la table de chevet. Il y avait là peu de choses. Le vieux porte-feuille de cuir qu'il avait lui-même offert à son père de nombreuses années auparavant se retrouva entre ses mains. Les bords en étaient usés et le fils y glissa les doigts, hésitant à aller plus loin. Pourtant la curiosité était grande et il l'ouvrit.

Il ne fut pas surprit d'y découvrir bien peu de choses: Une carte de crédit et quelques billets de vingts dollars. Il prit cependant le temps de fouiller chaque petite pochette avec minutie. D'un petit espace, il retira une feuille qui avait été minutieusement pliée. À l'intérieur de celle-ci, il trouva une petite photo de lui, le fils, prise il y avait environ deux ans de cela. Cela fit sourire le fils. Vraiment, ce qu'il découvrait sur son père ce jour-là l'amenait de surprise en surprise. Quelque chose était inscrit sur la feuille et le fils déplaça la photo afin de lire plus facilement. La première phrase le fit cependant sursauter.

J'admire mon fils parce que...

Et ce qu'il y lu par la suite fit glisser des larmes sur ses joues. Des phrases y étaient inscrites. Chacune était précédée par une date. Il s'agissait là de moments de vie particuliers que le père avait relevé et noté. En voici d'ailleurs quelques-uns:

mai 1998: Mon fils a reçu son diplôme aujourd'hui. Je sais qu'il a travaillé fort pour l'obtenir. Il ne s'est pas arrêté aux obstacles qui se sont dressés sur sa route: Plusieurs auraient abandonné. Lui a persévéré. Je suis vraiment très fier de lui. Mon fils est un gagnant.

juin 2005-Cela fait presque trois ans qu'Eugénie, ma douce compagne, m'a quitté. Mon fils a apporté des fleurs aujourd'hui. Bien que ni l'un ni l'autre nous n'ayons rien dit, il sait que sa présence nous manque à lui comme à moi. Cette petite attention m'a rappelé que je n'étais pas seul à avoir de la peine. Mon fils est quelqu'un de sensible et c'est une très belle qualité.

Le fils s'essuya les yeux du revers de la main puis il descendit plus loin sur la page, choisissant au hasard un autre moment noté par son père:

octobre 2013-Mon fils m'a aidé à m'installer à la Résidence aujourd'hui. Il a eu beaucoup de patience à mon égard, car le vieil homme que je suis, un peu confus devant tous ces changements, avait besoin de cette attention et de ce calme. Mon fils a été capable de respecter le rythme qui était le mien.

Le fils ne pu en lire plus tellement il n'y voyait plus rien à cause des larmes qui maintenant coulaient à flot et des sanglots qui le secouaient. Sa peine, celle qu'il avait bien essayé de tasser dans un coin depuis l'annonce de la mort de son père, se déversa tout d'un coup et rien ne pouvait maintenant la retenir.

Le fils, vu les silences et les non-démonstrations affectives de son père avait peine à croire à tout ce qui se révélait à lui. Chaque découverte le bouleversait un peu plus, lui faisait découvrir des facettes de son père qu'il ignorait complètement. À de nombreuses reprises dans sa vie, le fils s'était senti incompétant ou maladroit face à ce père plutôt ferme et peu expansif. Hors, ce carnet, ces mots et cette feuille enveloppant sa photo lui prouvait que son père avait su lire en lui avec précision et délicatesse... et probablement aussi envers beaucoup d'autres gens.

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