cinq livres

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lundi 16 février 2015

fable pour adultes # 3 - Les mots d'un père (page 2)


Le lendemain matin, jour où il devait se rendre à la résidence, le fils tenta de se défiler tant bien que mal devant la tâche qui l'attendait, mais sa conjointe l'y poussa sans trop le ménager. Il savait que celle-ci avait raison et c'est pourquoi il n'osa point argumenter. Alors, tout en marchant d'un pas lent, il rempli le coffre arrière de sa voiture de cartons vides et de grands sacs puis il prit la route.

Tout semblait calme à la résidence. Sans faire de bruit, ne voulant pas attirer l'attention, le fils se dirigea vers la chambre de son père. Comme il possédait un double de la clé il put y entrer dans avoir à demander de l'aide. Il entra donc, referma la porte derrière lui et s'y adossa, essayant de calmer les battements fous de son coeur.

La pièce semblait encore habitée car rien n'y avait été touché depuis le décès de son père, ce qui perturba légèrement le fils éploré. Ne pouvant se résoudre à aller plus loin, il ouvrit la porte de la penderie qui se trouvait sur sa gauche et il entreprit de mettre en boîte ce qui s'y trouvait. Consciencieusement, avec une lenteur délibérée, il délivra chaque manteau de son cintre, en fouilla chacune des poches, n'y trouvant que de vieux reçus de caisse et quelques pièces de monnaie. Sauf pour le dernier. De la poche intérieure, le fils en retira un petit carnet et un crayon. Surpris par cette découverte, le fils en tourna les pages pour y trouver l'écriture peu soignée qu'il reconnu aisément: Celle de son père.

Page après page, il y découvrit de petites phrases courtes qui semblaient être des commentaires ou des réflexions que le vieil homme y avait noté. Le fils s'y attarda un peu plus, en lisant quelques-unes à haute voix:

'J'apprends beaucoup à regarder et à écouter. Cela m'amène à mieux comprendre le cheminement des autres et à être un meilleur soutien pour eux.'

'La vie semble différente pour chacun de nous. Hors je constate que le réel but de l'existence en est pourtant le même: être heureux.'

Le fils était bien surpris, ne connaissant pas ce côté philosophe à son père.

Ayant l'esprit trop embué pour vraiment y réfléchir plus longuement, le fils mit tout cela dans la poche intérieure de son propre manteau qu'il avait suspendu à la poignée de la porte d'entrée. Il plia le manteau de son père, le rangea dans la boîte et il referma fermement celle-ci.

***

Le fils fit alors quelques pas dans la pièce sans savoir vers quoi se diriger. Mais il n'hésita pas longtemps car ce qui doit être fait doit être fait et comme il ne voulait pas trop s'attarder, il se dirigea d'un bon pas, muni d'une boîte sous le bras vers la salle de bain. Tout de suite en entrant, il remarqua que sur le pourtour du miroir qui se trouvait au dessus de l'évier, il y avait de petits papiers soigneusement placés. Le fils s'avança et voilà ce qu'il pu y lire: COMPASSION, PARTAGE, AMOUR, ÉCOUTE, PATIENCE, ACCUEIL, OUVERTURE, SOUTIEN.

Le fils poussa un soupir tout en posant bien à plat ses mains sur le meuble. Pendant un bref moment, le fils imagina son père, faisant sa toilette matinale tout en se répétant ces mots. Un lien semblait se définir pour ces mots mais le fils n'en était pas certain. Quel était le but de son père en notant ses observations dans un carnet ou en se répétant des mots en se rasant?

Le fils haussa les épaules puis il vida les armoires de tout ce qu'elles contenaient. Au dernier moment, il décolla un à un les mots avec attention, se demandant s'il allait les recoller dans sa propre salle de bain. Il alla chercher le carnet découvert plus tôt, y déposa les mots, tout en relisant quelques phrases du carnet au passage. En voici quelques-unes qui retinrent alors son attention:

'Il n'est pas facile d'écouter les gens vous raconter leurs misères sans juger. Pourtant, si j'ouvre mon coeur et si je laisse place à la compassion et à l'amour, je suis touché... profondément ému par leurs histoires. Et déjà, avec simplement cela, je sais que je fais une différence dans leurs vies.'

'Si je réussis à faire sourire celui qui me raconte sa peine, j'aurai déjà accompli beaucoup.'

Encore une fois le rangea le carnet avec précaution, se disant qu'il détenait là, probablement un trésor.

***


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