Le
lendemain matin, jour où il devait se rendre à la
résidence, le fils tenta de se défiler tant bien que
mal devant la tâche qui l'attendait, mais sa conjointe l'y
poussa sans trop le ménager. Il savait que celle-ci avait
raison et c'est pourquoi il n'osa point argumenter. Alors, tout en
marchant d'un pas lent, il rempli le coffre arrière de sa
voiture de cartons vides et de grands sacs puis il prit la route.
Tout
semblait calme à la résidence. Sans faire de bruit, ne
voulant pas attirer l'attention, le fils se dirigea vers la chambre
de son père. Comme il possédait un double de la clé
il put y entrer dans avoir à demander de l'aide. Il entra
donc, referma la porte derrière lui et s'y adossa, essayant de
calmer les battements fous de son coeur.
La
pièce semblait encore habitée car rien n'y avait été
touché depuis le décès de son père, ce
qui perturba légèrement le fils éploré.
Ne pouvant se résoudre à aller plus loin, il ouvrit la
porte de la penderie qui se trouvait sur sa gauche et il entreprit de
mettre en boîte ce qui s'y trouvait. Consciencieusement, avec
une lenteur délibérée, il délivra chaque
manteau de son cintre, en fouilla chacune des poches, n'y trouvant
que de vieux reçus de caisse et quelques pièces de
monnaie. Sauf pour le dernier. De la poche intérieure, le fils
en retira un petit carnet et un crayon. Surpris par cette découverte,
le fils en tourna les pages pour y trouver l'écriture peu
soignée qu'il reconnu aisément: Celle de son père.
Page
après page, il y découvrit de petites phrases courtes
qui semblaient être des commentaires ou des réflexions
que le vieil homme y avait noté. Le fils s'y attarda un peu
plus, en lisant quelques-unes à haute voix:
'J'apprends
beaucoup à regarder et à écouter. Cela m'amène
à mieux comprendre le cheminement des autres et à être
un meilleur soutien pour eux.'
'La
vie semble différente pour chacun de nous. Hors je constate
que le réel but de l'existence en est pourtant le même:
être heureux.'
Le
fils était bien surpris, ne connaissant pas ce côté
philosophe à son père.
Ayant
l'esprit trop embué pour vraiment y réfléchir
plus longuement, le fils mit tout cela dans la poche intérieure
de son propre manteau qu'il avait suspendu à la poignée
de la porte d'entrée. Il plia le manteau de son père,
le rangea dans la boîte et il referma fermement celle-ci.
***
Le
fils fit alors quelques pas dans la pièce sans savoir vers
quoi se diriger. Mais il n'hésita pas longtemps car ce qui
doit être fait doit être fait et comme il ne voulait pas
trop s'attarder, il se dirigea d'un bon pas, muni d'une boîte
sous le bras vers la salle de bain. Tout de suite en entrant, il
remarqua que sur le pourtour du miroir qui se trouvait au dessus de
l'évier, il y avait de petits papiers soigneusement placés.
Le fils s'avança et voilà ce qu'il pu y lire:
COMPASSION, PARTAGE, AMOUR, ÉCOUTE, PATIENCE, ACCUEIL,
OUVERTURE, SOUTIEN.
Le
fils poussa un soupir tout en posant bien à plat ses mains sur
le meuble. Pendant un bref moment, le fils imagina son père,
faisant sa toilette matinale tout en se répétant ces
mots. Un lien semblait se définir pour ces mots mais le fils
n'en était pas certain. Quel était le but de son père
en notant ses observations dans un carnet ou en se répétant
des mots en se rasant?
Le
fils haussa les épaules puis il vida les armoires de tout ce
qu'elles contenaient. Au dernier moment, il décolla un à
un les mots avec attention, se demandant s'il allait les recoller
dans sa propre salle de bain. Il alla chercher le carnet découvert
plus tôt, y déposa les mots, tout en relisant quelques
phrases du carnet au passage. En voici quelques-unes qui retinrent
alors son attention:
'Il
n'est pas facile d'écouter les gens vous raconter leurs
misères sans juger. Pourtant, si j'ouvre mon coeur et si je
laisse place à la compassion et à l'amour, je suis
touché... profondément ému par leurs histoires.
Et déjà, avec simplement cela, je sais que je fais une
différence dans leurs vies.'
'Si
je réussis à faire sourire celui qui me raconte sa
peine, j'aurai déjà accompli beaucoup.'
Encore
une fois le rangea le carnet avec précaution, se disant qu'il
détenait là, probablement un trésor.
***
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