Les
mots d'un père
Quand
Liliane, employée de la Résidence 'Le Paradis Sur
Terre' frappa à la porte de Monsieur Beauchamp, il n'y eut
aucune réponse. Cela était plutôt surprenant,
puisque tous les matins, lors de son passage, la porte était
toujours entrouverte et que le vieil homme, levant le nez du livre
qu'il était en train de lire, la saluait d'un simple hochement
de tête. Elle cogna donc une autre fois, un peu plus fort cette
fois-ci mais sans plus de résultat.
Elle
fit quelques pas vers la chambre suivante mais finalement, elle
revint devant la porte close, sourcillant devant cette situation
non-habituelle. En prenant une grande respiration, essayant de
repousser ce qui lui venait à l'esprit, Liliane fit une
nouvelle tentative avec plus d'ardeur cette fois-ci. Mais encore une
fois, il n'y eut aucune réponse.
Elle
colla son oreille à la porte, sans rien y entendre. Elle sonda
la poignée qui résista. Peut-être dormait-il
simplement un peu plus tard ce matin-là se dit-elle,
envisageant le mieux, mais elle n'arrivait pas à se convaincre
de ce fait. Comme son malaise persistait, elle dû donc se
résoudre à faire appel à la directrice des
lieux, qui vint, quelques instants plus tard, elle aussi surprise par
ce fait non-habituel, ouvrir grâce à son passe-partout,
la porte de ce pensionnaire sans histoire.
Bien
sûr, ce que les deux dames avaient pressentie se révéla
exact: Le vieil homme s'était éteint durant son
sommeil. Il reposait paisiblement dans son lit, les draps bien
ajustés tout contre lui, leur assurant que ce passage s'était
fait tout en douceur. La mort était venu le chercher sans
qu'il n'ait à en souffrir.
Comme
cela est de mise, il s'est ensuite mis en route les procédures
habituelles à ce genre de situation. À la résidence,
la nouvelle se répandit rapidement. Monsieur Beauchamp était
un homme plutôt tranquille et il aimait sa petite routine mais
tout le monde, employés comme résidents, se sentirent
attristés par ce départ. Le silence régna plus
qu'à l'ordinaire ce jour-là à la résidence.
***
Et
puis la directrice dû téléphoner au fils de
Monsieur Beauchamp pour lui apprendre la malheureuse nouvelle. Après
une courte prière à l'intention du disparu, elle
composa le numéro, compta le nombre de sonneries puis arrêta
de respira lorsqu'on répondit. Elle était habituée
à ce genre d'appel mais à chaque fois elle en était
bouleversée. Prenant une grande respiration, elle annonça
avec douceur ce qui devait être annoncé.
-Je
vais prendre les dispositions nécessaires... murmura la voix à
l'autre bout de l'appareil.
La
directrice sentait bien la peine de l'homme mais elle devait
poursuivre:
-Il
faudra aussi penser à ramasser ses effets... vous comprenez...
-Demain...
demain j'irai, répondit le fils attristé.
Voilà
que ce fils devenait, à quarante-deux ans, orphelin. Une page
importante de sa vie se tournait avec ce triste événement.
Sa relation avec son père n'en était pas une de grande
expansion mais le vieil homme allait lui manquer. Justement, c'était
de cette tranquillité et de ce calme que le fils venait
s'imprégner lorsqu'il visitait son père. Mais ces
rencontres n'auraient plus lieu.
***
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