Alors
le 24 décembre au soir arriva. Tous les habitants sortirent de chez eux pour se
retrouver sur la place publique du village. Ils entourèrent le grand sapin qui
y avait été installé dans l’après-midi et dans lequel des milliers de lumières
avaient été placées. Depuis la tombée du jour, il scintillait de mille feux et
comme chaque année, c’était l’émerveillement pour tous.
La
tradition voulait qu’en début de soirée, comme en ce moment-là très exactement,
chacun sorte de chez lui et vienne ajouter une décoration à l’arbre. Un peu
après dix-huit heures, ils se retrouvèrent donc nombreux autour du sapin. Le
père de Napoléon s’inquiéta cependant quand il chercha son fils et ne le vit
nulle part. La mère de Nathan interrogea sa mère, qui se trouvait à quelques
pas d’elle, lui demandant si elle avait vu son fils. En fait, les enfants
manquaient à l’appel. Mais avant que la panique ne gagne les habitants du
village, on entendit des voix venir de plus loin.
-Excusez-moi…
excusez-moi, disait Napoléon en tentant de franchir avec tous ses amis, la
foule pressée tout autour de l’arbre illuminé.
Peu
à peu les adultes ouvrirent un chemin pour permettre à leurs rejetons de gagner
le centre de la place. Et tous remarquèrent un vieil homme que tenait par la
main notre valeureux Napoléon. Dans sa main libre, l’inconnu tenait une boule
faite de lierre savamment tressé. Le silence régnait sur la place et tout le
monde se questionna sur l’identité de cet invité surprise parce que bien sûr,
personne ne put s’imaginer que le ‘méchant géant’ soit si menu et pas du tout
effroyable.
-Je
vous présente mon ami, dit Napoléon en se tournant vers le vieil homme. Vous le
nommez le ‘méchant géant’ mais aujourd’hui je peux vous dire que son véritable
nom est Augustin.
Alors
on entendit de OH! et des AH! de surprise mais personne n’osa ajouter quoi que
ce soit. Napoléon, d’un geste, encouragea son ami à suspendre sa décoration à
l’arbre. Puis des plus âgés aux plus jeunes, tout le monde s’exécuta, essayant
de trouver une place de choix pour sa décoration.
Et
c’est ce jour-là que les affreuses histoires sur le ‘méchant géant’ cessèrent.
Comme ça ! Comme par magie… ou presque.
**
Alors
si un jour vous passez par ce petit village, vous remarquerez que les
villageois n’aiment pas parler de tout ça. Ils ne comprennent pas comment tout
cela a commencé, comment tout cela a pu se perpétuer au fil des ans, comment
ils ont pu dire des choses si horribles sur un homme pourtant si gentil. Mais
cela est du passé. Le vieil homme est maintenant toujours bien accueilli au
village. Et les villageois sont toujours les bienvenues dans la montagne ou
même chez le vieil homme. Même s’ils ne
peuvent pas encore l’avouer ouvertement, les adultes de ce village savent
qu’ils se sont accrochés bien involontairement à une idée fausse et que cela a
causé certains torts.
Napoléon,
satisfait de son entreprise, est certain qu’ils en ont retenu quelque chose
d’important.
**
Un
jour, plusieurs années plus tard, alors que le vieil homme et Napoléon
prenaient place sur un banc installé récemment à l’orée de la forêt, celui-ci
revint sur cette veille de Noël toute spéciale où Napoléon avait accompli
l’impossible.
-Ceci
est un miracle, dit-il en regardant, admiratif, tout autour de lui. Par ce que
tu as accompli, ma vie s’en est trouvée transformée. Comment as-tu fait
Napoléon?
Fier
et heureux, sachant que dans tout cela il avait découvert une vérité qui lui
servirait toute sa vie il dit :
-
Il faut, au départ, être attentif et vigilent quant à ce que nous acceptons de
croire, Augustin.
-C’est
certain, mais… commença le vieil homme sans pour autant oser poursuivre,
sachant qu’aucun des arguments qu’il soulèverait ne viendrait à convaincre son
jeune ami.
-J’ai
compris, continua le jeune garçon d’un ton un peu plus sérieux, que les idées
faussent qu’on entretient se répandent, se propagent et contaminent tout. Elles
creusent des fossés, construisent des murs, nous isolent et nous emprisonnent.
Elles nous aveugles. Elles nous rendent
amers, apeurés et impitoyables.
Un
peu triste, le vieil homme du admettre que Napoléon avait raison.
-Sous
ce qui est faux, se cache une vérité qu’il faut déterrer et découvrir et il
faut être prêt à y mettre les efforts nécessaires pour y arriver.
-Et
pour chacun de nous, c’est quelque chose de plutôt difficile, admit Augustin
qui, lui-même, avait entretenu des opinions pas très gentilles à propos des
villageois.
-Modifier
ou remplacer des idées nocives, des opinions rigides, de vieilles convictions,
des croyances désuètes ou d’effrayantes rumeurs est un travail de longue
haleine et difficile… mais possible. C’est en cela qu’il faut croire.
Napoléon
sourit et fit un clin d’oeil à son ami.
**
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