cinq livres

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samedi 15 décembre 2018

Le 'méchant géant' partie 3/4

Napoléon tint, quelques jours plus tard, dans la cour de l’école un caucus avec ses amis les plus loyaux et il leur raconta l’histoire (la vraie) du ‘méchant géant’ et leur expliqua en détail ce qu’il voulait faire avec leur aide. Alors voilà que chaque ami de Napoléon se vit décerné une mission.

Un jour ce fut Nathan qui revint du parc en disant que le ‘méchant géant’ lui avait relancé son ballon qui s’était retrouvé dans les hautes herbes. Un autre jour, ce fut Madeleine qui dit avoir vu le ‘méchant géant’ en train de ramasser les vêtements sur la corde à linge derrière la maison. Quelques jours plus tard, ce fut Élisabeth que le ‘méchant géant’ aida à cueillir les pommes qui étaient trop hautes pour elle dans le pommier dans le champ derrière l’école. Et ainsi de suite. À tous les deux ou trois jours, les enfants ajoutaient un nouvel épisode à leurs rencontres avec le ‘méchant géant’.

Les adultes semblaient porter une oreille distraite à toutes ses histoires… mais ils écoutaient. Et bien qu’ils y voyaient là un débordement d’imagination de leur progéniture, cela mit le doute en eux. Cela forma… une fissure en ce qu’ils croyaient si fortement si peu de temps auparavant. Personne ne pouvait encore s’en douter, mais quand il y a fissure… il se crée une ouverture par laquelle… peut germer le changement! Et voilà que leurs regards portés vers la montagne étaient maintenant remplis de questions… qui demeuraient cependant sans réponse.
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Puis décembre arriva. Napoléon, passant, à l’étape suivante de son plan, déposa une boîte à l’entrée de la forêt avec une affiche où était écrit : pour le ‘méchant géant’. Tous les enfants du village firent la file pour aller installer le tout en grande cérémonie. Bien que certains adultes ne voyaient pas cela sous un très bon œil, ils n’osèrent pas s’y opposer puisque les enfants restaient aux limites du village et que cela ne causait aucun tort. Mais même s’ils ne disaient rien, les adultes observaient du coin de l’œil ou caché derrière un rideau.

Chaque jour on voyait un enfant ou deux prendre le petit sentier et déposer quelques objets dans la boîte. Parfois un fruit ou un biscuit. Parfois un toutou ou une couverture. Et une multitude d’autres choses. Et le matin venu tout avait disparu. Quotidiennement, certains adultes allaient vérifier dans la boîte et en revenaient en se grattant la tête.

C’était, vous vous en doutez certainement, Napoléon, qui, la nuit venue, prenait avec précaution la route de la montagne, les bras chargés de cadeaux pour son ami.

Et puis les choses prirent un tournant étonnant. On vit apparaître dans la boîte destinée au ‘méchant géant’ un chaudron rempli de ragoût, un livre, des pantoufles tricotées à la main, des mouchoirs aux tissus colorés… et tout plein d’autres choses. Et Napoléon, confiant en son plan, garda espoir.
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Malgré tout ce que lui racontait Napoléon, le ‘méchant géant’ refusait de descendre au village pour rencontrer les villageois. Le jeune garçon n’insista point. Il passa tout simplement à la prochaine étape de son projet.
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Un matin, on trouva, sur la grande place du village, un grand carton sur lequel était écrit : Merci pour l’oreiller et la couverture. Un autre matin, Madame Boratin retrouva sur le seuil de sa porte son chaudron tout propre. En soulevant le couvercle elle y trouva une feuille sur laquelle on avait dessiné un cœur. La mère de Napoléon trouva dans sa boîte aux lettres la recette de la soupe du ‘méchant géant’ que ne cessait de lui réclamer son fils. Jeanne trouva un petit mot glissé sous sa porte qui disait : Vos pantoufles me vont parfaitement. (Même si en fait elles étaient beaucoup trop grandes pour un géant qui n’était pas géant du tout) Et ainsi de suite.

Chaque jour il y avait un petit quelque chose offert dans la boîte du géant et chaque matin il y avait ici et là un mot, un cadeau de la part du ‘méchant géant’.

Et quelque chose de plus surprenant survint alors. Toute la peur, toute la suspicion qu’avait fait naître puis entretenu toutes ces fausses histoires sur l’homme de la montagne se mirent à fondre malgré le froid hivernal. Certains adultes se mirent à douter, se disant qu’après tout, ils n’avaient que répété ce qu’ils avaient entendus. Certains autres furent touchés par les attentions du géant qui n’avait vraiment pas l’air méchant. Certains autres se dirent que malgré tout, même un ‘méchant géant’ devait s’ennuyer tout seul dans la forêt. Et certains, et même plusieurs pour ne pas dire la majorité, finirent par se dire que peut-être… peut-être que toutes ces histoires étaient fausses !

Les regards de crainte vers la montagne se transformèrent peu à peu. On put y percevoir de la curiosité, du repenti, et l’envie… et oui… l’envie d’aller à la rencontre du mé…  enfin… de cette personne qui vivait depuis si longtemps, isolé de tout et de tous. Mais ce n’était qu’une envie et personne ne s’y aventura ou n’osa être le premier à y aller.

Alors Napoléon ajouta une nouvelle étape à son plan et en parla à son ami. Le vieil homme, pour une fois, comme Noël approchait, accepta de suivre toutes les directives de son meilleur ami sans rouspéter. Et puis, parce que sûrement, en lui aussi, les choses changeaient.
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