Ainsi
passèrent les vacances d’été de Napoléon. À ses parents il disait aller ici et
là, s’être endormi au parc, avoir joué au soccer avec untel, avoir fait tout un
tas de choses de son été alors qu’en fait il rendait visite, jour après jour, à
l’homme de la montagne qu’il ne voulait plus nommer le ‘méchant géant’.
Celui-ci, à mesure que leur amitié grandissait, lui raconta ce qui était
survenu dans sa vie pour qu’il se retrouve ainsi isolé de tous et même, mis de
côté.
-Maintenant…
les gens d’en bas ont leur idée et rien ne pourra leur en faire changer!
-C’est
bien triste en tout cas, murmura Napoléon. Je pourrais leur dire à tous que tu
es gentil et les choses s’arrangeront!
La
candeur du garçon touchait le vieil homme qui savait que quand quelque chose
était si fortement enraciné dans l’esprit des gens il était bien ardu de l’en
déloger.
-C’est
peine perdue, répétait le vieil homme à chaque argument avancé par le jeune
garçon.
Napoléon
fronça alors les sourcils ne voulant nullement faire un X sur son projet de
ramener le vieil homme au village. Dans son carnet secret il faisait maintenant
de moins en moins de dessin mais il y mettait ses idées. En fait, il y
élaborait un plan.
**
Quand
l’école reprit avec la venue de septembre, il ne put rendre visite à son ami
aussi souvent et il se dit que le moment était venu de passer à l’action. Par
un samedi matin, il prit le chemin de la montagne, passa quelques heures avec
son ami puis, vers le milieu de l’après-midi il prit le chemin du retour. Or, avant
de sortir de la forêt, il prit le temps de se salir le visage et les vêtements,
de déchirer son pantalon au genou, de s’écorcher le coude avec une branche
(aïe) et de se mettre quelques brindilles dans les cheveux. En boîtant, il
rentra chez lui. Ses parents, affolés, vinrent à sa rencontre et lui
demandèrent ce qui s’était passé.
-Je…
je suis allé dans la montagne…
-Et
le ‘méchant géant’ t’a attrapé? demanda sa mère en joignant les mains sur sa
poitrine.
-Non…
je suis monté sur un haut rocher…
-Et
là le ‘méchant géant’ a voulu t’attraper? dit son père en levant un doigt
menaçant.
-Non…
continua Napoléon qui commençait à s’impatienter. J’ai perdu pied et je suis
tombé.
-Et
là le ‘méchant géant’ a voulu te manger ? demanda sa tante Sophie qui était en
visite pour l’après-midi.
-NON!
Hurla le petit garçon. Je suis tombé tout seul et personne n’a voulu m’attraper
ni me manger. Mais…
-Mais…
dirent tous les adultes qui s’étaient rassemblés autour de lui, en se penchant
légèrement vers lui pour mieux entendre ce qu’il avait à leur dire…
-Le
‘méchant géant’ m’a aidé à me relever, il m’a amené chez lui et m’a servi un
bol de soupe, il m’a donné un mouchoir et ce bâton pour m’aider à marcher et
m’a raccompagné sur le sentier de la forêt.
-Non…
dit sa mère en secouant la tête. Ce ne pouvait pas être lui.
-Si
si maman. Quand je lui ai demandé son nom il m’a dit qu’il était le ‘méchant
géant’.
Mais
avant qu’il ait pu en dire plus, ses parents l’avait entraîné à l’intérieur de
la maison pour l’examiner sous toutes ses coutures, le mettre dans le bain et
lui trouver des vêtements propres. Et le sujet ne fut plus abordé. En fait oui.
Son père, avec son ton le plus ferme et son regard le plus sévère lui
dit :
-Tu
ne dois absolument pas aller dans la montagne.
Napoléon
ouvrit la bouche pour protester mais son père a aussitôt clos la discussion
d’un terrible ‘Jamais tu m’entends !!!’
**
Vous
vous doutez certainement qu’après cet incident, les parents du garçon le
surveillèrent étroitement. Plus question de sortir en douce et de s’aventurer
dans la montagne. Ni de parler du ‘méchant géant’. Ne leur avait-on pas dit
depuis des décennies qu’il fallait craindre celui qui vit dans la montagne?
Bien
que déçu, le jeune garçon ne renonçait pas à son projet. Ce qui est ancré
profondément dans l’esprit des hommes ne s’y décroche pas si aisément! Le vieil
homme l’en avait bien averti. Alors Napoléon profitait de ses soirées passées
dans sa chambre à étoffer son plan, à en décrire de nombreuses étapes et une
multitude de finalités.
**
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